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TRESSES 66

D’où la haine

En juin 1975, Jacques Lacan terminait l’enseignement de son premier Séminaire, Les Écrits techniques de Freud. Il avance alors cette formule : « Les trois passions fondamentales de l’être » sont l’amour, la haine et l’ignorance.

Avec ce numéro de Tresses, nous abordons le thème de la haine. Le précédent traitait de l’amour, et le suivant portera sur la question de l’ignorance.

Si l’amour invite à parler, à écrire, à jouir, la haine, dans ce contexte du XXIe siècle, pousse àla révolte, la peur, l’angoisse et peut se heurter à l’indicible du réel.

Le manque au cœur de l’être parlant

Dans le chapitre XXI de ce Séminaire, Lacan s’avance vers l’élaboration de l’être, qu’il situe en tant qu’être de la parole.

Pour cela il s’appuie sur le signifiant et sur le transfert. Le sujet en articulant la chaîne signifiante, indique son manque à être, et en retour appelle à en recevoir le complément de l’Autre. Mais l’Autre, lieu de la parole, est aussi le lieu du manque.

Donc pas de complétude à espérer. L’être parlant pâtit du manque, d’où la passion !

L’amour et la haine vont de pair selon Lacan : « on ne connaît point d’amour sans haine[1] » dit-il, ou encore « la vraie amour débouche sur la haine[2] ». Amour et haine se rejoignent du côté de l’Éros. La violence se différentie de la haine quand elle est irruption de la pulsion de mort en acte. Là où les mots manquent réellement.

Aujourd’hui, la haine et surtout la violence envahissent le monde et les médias. Racisme, antisémitisme, guerres, féminicides, attentats, crimes, etc. On est frappé par l’ignorance absurde, illogique, destructrice qui préside souvent à ces actes de destruction massive, par cette mise en acte de la pulsion de mort. Y participent certains réseaux sociaux, au point que les adolescents peuvent en faire leur mode de jouir.

Certains articles de ce numéro abordent ces thèmes, orientés par une lecture psychanalytique. Cette lecture indique que chaque être parlant, en analyse, peut savoir quelque chose du rejet de la jouissance de l’autre étranger, de la haine de la différence, ou des signifiants impossibles à entendre, car il peut y reconnaître sa propre jouissance.


[1] Lacan J., Le Séminaire, livre xx, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 84.

[2] Ibid., p. 133.

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